L’art de l’époque moderne

Le classicisme

Il s’agit ici d’un art académique, dont le but est de représenter un sujet de manière objective et réaliste, s’opposant ainsi au baroque et au maniérisme, styles jugés excessifs. Évoqué dans la fiche traitant du baroque, le classicisme est issu du travail d’Annibal Carrache et de ses recherches sur la haute-renaissance. Carrache reste difficilement classable, à la fois baroque et classique mais en s’opposant aux travaux de Caravage, Annibal Carrache se trouva un style plus proche de celui de l’antiquité avec une conception idéalisée de ce qui doit être beau. Le classicisme puise donc ses racines dans l’oeuvre de Carrache et ses élèves Guido Reni et le Guerchin reprirent son style.

Le classicisme propose des compositions équilibrées, ordonnées, facilement compréhensibles avec une volonté de pudeur dans l’expression. Toute la scène représentée tient dans le cadre de la peinture. On est donc en contradiction avec le baroque qui privilégie le mouvement et le débordement ainsi que des compositions ouvertes.

Alors que le baroque s’est épanoui en Italie, la France devint au 17ème et 18ème siècles le foyer de développement du classicisme européen. La France était alors le pays le plus puissant du vieux continent et pour lui permettre de garder cette influence tant sur son sol qu’à l’étranger, l’art fut un outil très efficace. Le paraître devint l’élément primordial dans la communication et l’attitude des hautes sociétés; ainsi, le pouvoir français choisit de s’afficher à travers des images qui le présentent plus puissant que jamais, bien que les finances soient en berne.

Nicolas Poussin (retrouvez sa fiche ici) fut la référence en matière de classicisme.  Après plusieurs échecs, il finit par s’installer à Rome en 1624. Au contact des artistes italiens et de leurs œuvres, Poussin tira ses sujets de l’histoire antique et de la mythologie et développa son propre style, traitant avec le même sérieux les représentations d’histoire, les paysages ou les thèmes religieux. Il était célèbre dans toute l’Europe et Louis XIII le rappela à Paris pour réaliser de grands décors. Mais ne s’y plaisant pas, Poussin retourna vivre à Rome où il finira sa vie. Soutenus par Charles le Brun, peintre officiel de Louis XIV, les partisans de Poussin fixèrent, par la suite, les règles de ce qu’allait être la peinture classique.

 

Peinture de Poussin intitulée "La danse de la vie humaine"
La danse de la vie humaine, Poussin, 1633-34

 

Claude Lorrain fit également carrière à Rome, comme Poussin. Réalisant tout d’abord des décors champêtres idéalisés, il se spécialisa ensuite dans la création de peintures mixtes (des ports et des édifices antiques fictifs et des édifices réels). Lorrain est considéré comme le représentant le plus éminent du paysage classique, influençant deux siècles durant les artistes, notamment anglais (comme J. M. W. Turner ou John Constable). Les personnages n’avaient pas beaucoup d’importance dans ses réalisations.

 

Peinture de Le Lorrain intitulée "Port de mer avec la villa Médicis"
Port de mer avec la villa Médicis, Le Lorrain, 1638

 

La peinture classique c’est aussi les décorations monumentales de Charles le Brun, peintre officiel de Louis XIV. Ayant eu comme maîtres Simon Vouet puis Nicolas Poussin, Charles le Brun était déjà connu pour son grand talent à seulement 23 ans. En 1642, il suivit son maître Nicolas Poussin à Rome et y passa 4 années. En 1648, sous son impulsion, fut créée l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture qui élabora les règles de l’art et du bon goût.

Il se fit connaître véritablement en composant les décors du château  à Vaux-le-Vicomte de Nicolas Fouquet, surintendant du Roi. Le cardinal Mazarin le présenta alors à Louis XIV qui lui confia les travaux de décoration du château de Versailles  dès 1661. Par la suite, il fut le directeur de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture mais aussi celui de la Manufacture des Gobelins et du Mobilier Royal. Le travail de Le Brun montre comment les artistes ont mis l’art au service du pouvoir, créant ainsi un futur style, celui de “l’art officiel”.

 

la galerie des Glaces par Charles Le Brun
Vue d’ensemble des peintures de la galerie des Glaces, par Charles Le Brun

 

Principales caractéristiques du classicisme :

  • Incarner un idéal de beauté et renouer avec l’antiquité.
  • Représenter des thèmes traitant de la religion, de l’antiquité et de la mythologie ou mettant en valeur soit des femmes soit des faits de guerre.
  • Respecter alors la hiérarchie des genres. Dans un ordre croissant d’importance : la nature morte, le paysage, le portrait, les scènes de genre et enfin le grand genre qui comprend les tableaux moralisateurs (religieux, historiques ou mythologiques). Plus le genre est important et plus le format sera grand.
  • Le dessin, la symétrie, l’ordre et la netteté de la composition sont plus importants que le mouvement ou les couleurs.
  • Les artistes ne doivent pas laisser apparaître sur leur travaux des traces de construction. L’œuvre doit sembler être réelle.

 

Le rococo

Cette nouvelle tendance artistique naquit en France dans les dernières années du règne de Louis XIV. Après son décès, les artistes se libérèrent du cadre strict du classicisme et tendirent vers des œuvres dans lesquelles le mouvement importait à nouveau. Le rococo s’affirma durant le règne de Louis XV et parcourut l’Europe. À l’origine, le terme “rococo” était moqueur et résultait de la contraction de “rocaille” et de “barroco” (adjectif espagnol pour baroque). Aujourd’hui, la connotation péjorative a disparu.

Le rococo et le rocaille (qui concerne le mobilier et l’architecture) sont les styles d’une société libérée mais qui cachait, sous une certaine légèreté, des craintes concernant l’avenir et sa mélancolie sur sa gloire passée. Le rococo était à la fois une réaction au baroque et un approfondissement de celui-ci.

Les couleurs sont pastel, délicates et les formes douces. Le style se voulait léger et frivole avec mise en scène soignée. D’ailleurs, le monde du théâtre (avec ses costumes et autres) exerça une réelle influence sur la peinture rococo. Les collectionneurs privilégièrent les oeuvres exotiques, libertines et érotiques ou celles traitant de l’Arcadie (lieu idéal de la mythologie). Les peintres français aimaient aussi représenter les fêtes des riches aristocrates oisifs et délaissèrent les sujets solennels, religieux ou historiques. Cela démontre que la haute société se voilait la face et qu’elle souhaitait se représenter un autre monde et continuer sa fuite en avant.

 

Les principaux artistes français de ce mouvement furent :

  • Jean-Antoine Watteau (1684-1721). Il est l’un des premiers peintres représentants du rococo. Inspiré par la commedia dell’Arte, il aimait représenter le théâtre dans ses tableaux. Il est également connu pour ses scènes gracieuses et délicates dans des paysages idylliques, pour ses « fêtes galantes ». Ce thème revenait fréquemment dans ses œuvres. Il aimait mettre en scène des couples de jeunes aristocrates se promenant et discutant. Le style de la fête galante est lié à deux éléments auxquels était soumis l’artiste: Le premier consistait à mériter la considération de l’Académie royale de peinture et de sculpture qui classait les scènes et portraits de la vie quotidienne comme moralement inférieurs aux sujets historiques et mythologiques et en même temps, il était impératif de s’attirer le soutien financier des particuliers qu’il devait représenter.

 

Peinture de Antoine Watteau intitulée “Le Pèlerinage à l'île de Cythère”
“Le Pèlerinage à l’île de Cythère”, Antoine Watteau, 1717

 

  • François Boucher (1703-1770): Un des peintres les plus importants du règne de Louis XV. En 1734, il entra à l’Académie royale de peinture et de sculpture en tant que membre. Plus tard, il succéda à Carle Vanloo comme premier peintre du roi Louis XVI en 1765. Il peignit des scènes pastorales ou mythologiques.

 

Peinture de Boucher intitulée “Un berger jouant la flûte pour une bergère”
“Un berger jouant la flûte pour une bergère”, Boucher, 1747-1750

 

  • Jean-Honoré Fragonard (1732-1806): À 14 ans, il rejoignit l’atelier de Boucher. Quelques années plus tard, il intégra l’école royale des élèves protégés puis il partit pour l’Académie de France située à Rome. Il devint un peintre très populaire, ce qui fit sa fortune ; mais la révolution française n’allait pas aider ses finances. Fragonard savait traduire dans ses œuvres le goût de l’époque pour le libertinage, mais il l’exprimait sans perversité. Ses toiles restent légères et enjouées. Par la suite, il intégra dans ses œuvres une certaine gravité des sentiments et de la mélancolie. C’était un début de romantisme.

 

Peinture de Jean Honoré Fragonard intitulée “Les hasards heureux de l'escarpolette”
“Les hasards heureux de l’escarpolette”, Jean Honoré Fragonard, 1767-1769

 

Cette période est aussi celle qui vit “naître” les premiers critiques d’art. Le concept de “Salon de peinture” se  développa après la création en 1648 de l’Académie de peinture et de sculpture. Ainsi, le public pouvait admirer des œuvres et se faire un avis. Certains se spécialisèrent même dans ce domaine et ainsi naquit le métier de critique d’art. Porte-parole du goût du public, ce professionnel de l’art devait alors définir l’académisme et les directions à prendre. Mieux valait s’y tenir si l’on souhaitait obtenir la reconnaissance et ne pas être en marge. C’est ainsi que naquirent le néoclassicisme (qui respectait alors les règles dictées) et le romantisme (qui au contraire ne correspondait pas à ce qui était alors demandé).

Un débat artistique existe concernant le lien entre le baroque et le style rococo. Les discussions restent ouvertes ; pour certains, le rococo est une nuance du baroque qui s’est manifestée sur le tard (entre 1720 et 1780). Pour d’autres, le rococo est une catégorie de style à part entière. Le rococo serait alors aussi différent du baroque apparu avant que du néoclassicisme émergeant après. Ce genre de débat concernant les différents styles artistiques n’est pas nouveau comme nous avons pu le constater dans de précédentes fiches.

Le manque de sérieux fut l’un des principaux reproches adressés à ce style. Il disparut totalement avec la révolution française en 1789, laissant alors la place au style néoclassique.

L’époque moderne prend fin vers 1789 pour laisser place à l’époque contemporaine. Celle-ci peut se diviser  en 3 parties:

  • le 19ème siècle,
  • l’art moderne (à ne pas confondre avec l’époque moderne) qui débute au 20ème et prend fin après la deuxième guerre mondiale),
  • l’art contemporain (depuis 1945).

 

La prochaine partie de ce panorama traitera du néoclassicisme et du romantisme.

 

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