Contexte historique et origines

C’est dans un contexte de grandes tensions religieuses que naquit le complexe mouvement baroque. L’Église catholique était devenue extrêmement riche tandis que le peuple vivait dans la pauvreté. Une situation qui n’était pas sans faire grincer des dents les réformistes protestants.

Ces derniers amorcèrent dès le 15e siècle « la Réforme » qui peut être résumée très rapidement (et sans faire injure à qui  que ce soit) comme la volonté d’un retour aux sources du Christianisme et comme la nécessité de considérer la religion d’une autre façon.

Sentant son monopole spirituel lui échapper, l’Église catholique travailla sur une « Contre-réforme » afin de diminuer l’influence protestante. Et c’est lors du concile de Trente que des évêques catholiques réfléchirent donc au moyen de préserver ce monopole. Ces représentants religieux bénéficiaient du pouvoir nécessaire pour faire évoluer les règles de l’Église et ses croyances. Le concile, ayant compris l’influence que pouvait avoir l’art, avait alors insisté sur le rôle de la propagande religieuse par le biais de la peinture ou de la sculpture.

 

Émergence

Dès ses débuts, ce courant artistique fut confronté à un problème: Les traditions léguées par la Renaissance et le maniérisme restaient très présentes, au point où l’on pouvait se demander comment la transition allait s’opérer.

Le peintre Nicolas Poussin, qui porta le classicisme français à son apogée, permit au courant classique de subsister en poursuivant son travail au-delà des évolutions artistiques. Il en alla de même pour Rembrandt en Hollande et Vélasquez en Espagne. Néanmoins, il est difficile de faire abstraction d’un mouvement et de s’en soustraire totalement.

 

"L'institution de l'eucharistie", Poussin
“L’institution de l’eucharistie”, Poussin, 1640

 

Caractéristiques

Le style baroque doit beaucoup à la Renaissance et notamment à son ultime phase, dénommée le maniérisme. Le Baroque fut aussi influencé par l’art antique grec et romain. Les artistes de ce mouvement s’exprimèrent à travers la peinture, la sculpture et l’architecture; le tout dans des styles différents, selon l’artiste et ses origines. Le Baroque n’est pas une véritable rupture par rapport au siècle passé, mais disons plutôt une évolution des codes de représentation.

Si les réformistes protestants prônèrent pour plus de sobriété, l’Église catholique allait avoir des demandes différentes, conformes à son style de vie de l’époque. La peinture devait convaincre le peuple de la grandeur de Dieu et provoquer un renouveau en matière de ferveur religieuse. Ainsi, les artistes furent tenus de proposer des œuvres majestueuses, mettant en scène différents épisodes de la Bible avec une exactitude accrue dans la description de ces épisodes religieux.

Donc comme il s’agissait de marquer fortement les esprits (le peuple était alors très peu instruit), les artistes utilisèrent des couleurs chaudes, des jeux d’ombres et de lumière travaillés, des mouvements accentués… etc. Les scènes représentées pouvaient être violentes ou mettre en avant l’anatomie de manière détaillée, voire exagérée. Les expressions et attitudes des personnages devaient traduire les sentiments intérieurs, l’extase religieuse et celle de l’âme. Ainsi, les artistes baroques choisissaient de représenter  l’action sur le vif, comme une capture de l’instant. L’orientation du baroque correspondait bien aux mentalités du siècle où, avec la disparition de l’humanisme, l’homme se posait à nouveau des questions par rapport à son existence et à sa relation avec le Divin. En plus de la religion, la mort, la souffrance, l’humilité de la vie quotidienne furent les sujets de prédilection des artistes.

De plus, ces peintures devaient donner l’impression de se détacher de leur cadre, tout en évitant d’occulter architectures et sculptures de l’édifice religieux dans lesquelles elles étaient installées. Pozzo, Le Guerchin, Cortone comptent parmi les artistes qui travaillèrent sur cette peinture théâtrale.

 

La voûte de l’église San Ignazio, Pozzo
La voûte de l’église San Ignazio, Pozzo, 1690

 

« L’Enlèvement des Sabines », Cortone
« L’Enlèvement des Sabines », Cortone, 1627-1629

 

« Herminie retrouve Tancrède », Le Guerchin
« Herminie retrouve Tancrède », Le Guerchin, 1651

 

Si l’art baroque fut tout d’abord déterminé par les commandes de l’Église catholique (rénovation d’édifices religieux ou d’appartements privés, constructions… etc.), l’aristocratie prit ensuite le relais en matière de commandes.

Mais il faut savoir que le terme « baroque » avait à l’origine un sens péjoratif. Il fut inventé a posteriori par certains critiques néo-classiques voulant discréditer ce style. « Baroque » pour « grotesque », « difforme » ou encore « absurde ». L’art baroque était alors perçu comme une altération de la Renaissance. Donc si aujourd’hui, l’aspect péjoratif a disparu et que le baroque est considéré comme une expression artistique à part entière, ce n’était pas le cas jusqu’à la Première Guerre mondiale.

 

Diffusion

Cela dit, à l’époque, ce mouvement se diffusa bien par-delà les frontières. En effet, la ville de Rome était devenue la capitale européenne de l’art (sous l’impulsion des différents papes) et fut donc la cité où les artistes de tout le continent venaient étudier l’art de l’Antiquité et celui de la Renaissance. Ainsi, des échanges culturels eurent lieu, et les marchands d’art furent très actifs dans toute l’Europe. La présence à Rome de certains artistes comme Caravage, Le Bernin ou de mécènes comme Urbain VIII et Francesco Barberini contribua à faire de Rome la capitale de l’art baroque. En effet, comme nous le disions, chaque artiste allait amener sa vision personnelle au baroque. Caravage apporta son éclairage particulier qui donne du volume, son cadrage insolite et son réalisme. D’autres, comme les frères et cousins Carracci, préférèrent revenir à une peinture au contenu plus idéalisé et basé sur le travail des maîtres de la renaissance classique.

Dans les sociétés plus progressistes de l’Europe du Nord, en particulier dans les pays gagnés par la Réforme, le Baroque ne se développa que dans l’architecture civile.

 

« La Madone des pèlerins », Caravage
« La Madone des pèlerins », Caravage, 1604-1606

 

« L’assomption de la vierge », Carrache
« L’assomption de la vierge », Carrache, 1590

 

Portrait du pape Urbain VIII, Le Bernin
Portrait du pape Urbain VIII, Le Bernin, 1625

 

En Espagne, alors même que la puissance de son royaume diminuait (perte des Pays-Bas, du Portugal et des territoires du sud de la France), l’art se portait toujours bien, y compris dans ses dépendances américaines. Toujours sous l’impulsion de la religion et de la contre-réforme, le style baroque était de plus en plus apprécié par la bourgeoisie et la noblesse: Leurs collections furent d’ailleurs plus importantes qu’à l’époque de la Renaissance. Vélasquez, Zurbaran, Murillo ou encore Ribera portèrent ce mouvement en Espagne, tout en étant influencés par le Baroque italien (notamment la vision de Caravage).

 

Portrait du pape Innocent X, Diego Vélasquez
Portrait du pape Innocent X, Diego Vélasquez, 1650

 

« Saint-François en extase », Zurbarán
« Saint-François en extase », Zurbarán, 1658-1660

 

De leur côté, les Pays-Bas  déclarèrent leur indépendance vis-à-vis de l’empire espagnol (début de la guerre de 80 ans) et devinrent la République des sept provinces unies. Dépourvu alors de noblesse, le pays avança grâce aux négociateurs d’art qui allaient appâter la bourgeoisie et ainsi permettre la diffusion massive de l’art. La bourgeoisie démontra un intérêt de plus en plus important pour la peinture, ce qui donna aux artistes le loisir de peindre selon leurs envies et non plus en fonction des commandes.

Du fait de l’iconoclasme (interdiction de toute reproduction de la création divine), les peintres de Hollande durent s’exprimer à travers des sujets différents de ceux de leurs homonymes européens. Laissant de côté l’influence italienne et l’art antique, les peintres hollandais répondirent au goût du public par les scènes de genre, les portraits, les natures mortes et les paysages. À l’exception de Rembrandt, ils devinrent de véritables spécialistes et  restèrent fidèles à ce genre durant toute leur carrière. Rembrandt pour sa part, s’essaya à tous les genres, maîtrisant parfaitement l’éclairage, la couleur, l’anatomie, l’expression ou le dessin.

 

« Le sacrifice d’Isaac », Rembrandt
« Le sacrifice d’Isaac », Rembrandt, 1635

 

« La Laitière », Vermeer
« La Laitière », Vermeer, 1658

 

Enfin, la Belgique (qui faisait à l’époque partie des Pays-Bas) était encore sous contrôle espagnol et ne connut donc pas l’iconoclasme de la Réforme. Encore une fois, le baroque est un mélange d’influence locale et italienne. Et même si le caractère religieux est présent, la peinture de genre devint le style dominant. Anvers était alors à la région flamande ce que Rome était pour l’Italie: un centre artistique stratégique dans lequel les artistes flamands et étrangers se retrouvaient. Rubens représentait alors la référence en matière de peinture baroque flamande. Il dut son succès au mélange de savoirs qu’il a accumulés durant sa formation auprès des grands maîtres italiens, intégré au réalisme flamand.

 

« Saint-Sébastien secouru par les anges », Rubens
« Saint-Sébastien secouru par les anges », Rubens, 1604

 

Évolution

Un débat artistique existe concernant le lien entre le Baroque et le style Rococo. Les discussions restent ouvertes; pour certains, le Rococo est une nuance du Baroque qui s’est manifestée sur le tard (entre 1720 et 1780).

Pour d’autres, le Rococo est une catégorie de style à part entière; il se distinguerait alors tout autant du baroque qui le précède que du néoclassicisme qui le suit.

Cette manifestation tardive se fit principalement en France, avec un style d’architecture et de décoration dérivant du Baroque italien, mais avec des apports français.

Pour notre prochaine fiche, nous nous intéresserons à Eugène Delacroix.

 

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